Chronique d’un Chemin parcouru
Le 16/08/21
Bonjour, nous sommes Carole et Serge, nous résidons à Cahors où nous proposons un accueil pour 4 ou 5 pèlerins.
Le Chemin nous l’avons parcouru pour l’instant neuf fois chacun et séparément. Nous avons fini par nous rencontrer et avons décidé de le continuer ensemble dans notre vie quotidienne et amoureuse.
Dans un esprit de partage de ces aventures, nous vous invitons à suivre cette chronique plus ou moins hebdomadaire, au gré de l’inspiration et du temps libre, au fil des rencontres nouvelles ou plus anciennes et des anecdotes ou histoires que nous avons pu vivre. C’est un retour sur les chemins passés mais aussi un journal actuel sur notre vie et nos réflexions, que Le Chemin a patiemment modelées, tout autant qu’une préparation à notre dixième chemin que nous effectuerons ensemble.
A ce rendez-vous, nous vous invitons.
Le 16/08/21
Le Retour (Serge)
Voilà douze ans que j’effectuais mon premier chemin et donc mon premier retour à la maison. Beaucoup de pèlerins vous parleront de ce fameux retour, mélange de spleen et d’excitation, petit blues et petit nuage, une larme sur les photos à trier. Je ne les ai d’ailleurs jamais classées comme pour préserver ce foisonnement d’émotions quand je fouille dans cet album, surpris par cet endroit que j’étais en train d’oublier.
J’éprouvais à ce moment-là le besoin impérieux de condenser toute cette aventure si particulière, si enrichissante mais la tâche me paraissait irréalisable : trop de photos, trop de rencontres, trop d’émotions…
Et la poésie m’apparut comme une possibilité, évoquant par un mot ou une association de mots, l’opportunité de faire revivre une magie qui est celle du Chemin. Je ne suis pas spécialement doué pour cet exercice, sinon je m’en serais sûrement rendu compte par le passé, cependant, un flux d’émotions s’est imposé à cette écriture quasi instinctive. J’ai laissé faire et écrit ce poème qui personnellement continue de m’émouvoir douze ans après .
Pèlerin, ce sont tes traces qui font le Chemin : celles d’aujourd’hui, d’hier et de demain.
Pourquoi aller si loin, si seul et si entouré ? L’amour que tu cherches et qui t’as manqué ?
Ou celui que tu as négligé de distribuer ? Un vœu, une promesse ?
Penses-tu que l’on puisse oublier ? Et simplement changer d’adresse ?
Serait-ce l’espoir ou la volonté ? Pourtant, nous ne faisons que passer.
Le pont se charge de te transformer, il suffit de l’emprunter.
Prends soin de toi, tu en auras besoin : pour trouver ton vrai chemin.
Celui qui t’amène au bout du monde, au bout de toi, à côté de l’Autre.
Même ton voisin tu pourrais l’appeler l’Apôtre !
Voudrais-tu lui ressembler ? Crois-tu que tu puisses changer ?
Ne serait-ce qu’un petit peu et ce serait déjà gagné ?
Ton prétexte serait-il l’exaltation de l’aventure à défaut de transformation ?
Prends garde, si tu cherches la gloire, par-là point de chemin,
Seulement des amertumes, de faux amis, des jours sans lendemain.
N’aurais-tu aucune de raison de suivre ces traces qu’en substance est l’explication :
Il n’est point besoin de but pour aller loin, ni d’ambition pour justifier l’action.
Prends soin de toi, prends soin de cet Autre et le Chemin s’ouvrira,
Vers un monde que tu es loin d’imaginer,
Vers une réalité qu’il n’est point besoin d’augmenter
Vers un ailleurs, un avenir ou un passé, que tu n’as cessé d’ignorer.
Tu ES le Chemin et déjà tu sais :
Il ne te reste juste… qu’à l’accepter !
Chronique d’un Chemin parcouru
11/09/21
Le Départ…
Voilà donc douze ans que je parcourais mon premier Chemin. Quels souvenirs m’en reste-t-il ? Je n’ai jamais eu le goût de tenir un journal de bord. Force est de constater que je ne saurais être précis sur le déroulé de ce Départ, même si ma mémoire est bonne. En revanche, avec le temps, les imperfections de la précision se gomment pour ne laisser apparaître que l’essentiel de l’émotion. J’avais dormi, ou plus exactement je n’avais pas réussi à dormir, dans un camping-car sur le parking du centre-ville de Le Puy, pour être plus près de la cathédrale, la bénédiction du départ étant assez tôt.
Je me sentais fier de mon sac, bien rempli, bien en place sur mes épaules et j’imaginais avoir une certaine allure en sa compagnie malgré ses dix ou quinze ans de non activité. La grimpette vers la Cathédrale me surprit et un léger doute s’insinua dans mon esprit en même temps qu’un essoufflement certain me fit considérer que ce gros sac devait peser son poids. Combien, je n’en avais aucune idée. Ce n’était sûrement que le pas rapide pour ne pas être en retard à la messe qui me faisait quelque peu souffler. J’avais pris la décision de partir sur ce Chemin quinze jours auparavant et ressorti tout mon matériel de randonnée qui ne servait plus depuis un bon bout de temps. Sincèrement, je me targuais de savoir ce qu’était la Rando et le bivouac, moi, ancien chasseur alpin. Nous étions en 2009 et j’ai fait mon service militaire en 1978. Il y avait comme qui dirait un certain décalage entre l’appréciation de ce projet un peu irrationnel de rallier Saint Jacques de Compostelle en marchant et 31 ans exactement de non-préparation. Le temps avait passé et pendant la messe j’en pris conscience. Mais qu’à cela ne tienne, d’autres le font, et pour ce que j’en voyais dans l’assistance, tous n’avaient pas vingt ans…
C’est en fin de compte sûrement parce que plein d’autres l’ont fait que je n’ai peut-être pas renoncé… Car, tout ce qu’il ne fallait pas faire … je l’avais fait.. Ces quinze premiers jours ont été durs. Mais j’ai appris. Petit à petit l’effort et la volonté ont fait place à la curiosité et à l’enchantement. Curiosité et enchantement bien sûr du paysage, du voyage, des rencontres, mais curiosité en enchantement de ma propre transformation.
Nous voilà donc pèlerins néophytes, en haut des escaliers de la Cathédrale du Puy en Velay, prêts à se lancer dans l’aventure : que se passe-t-il dans notre tête à ce moment-là ?
Nous ne prenons jamais assez le temps de repenser à ce moment. Pourtant il est riche d’enseignements. Sûrement que nos angoisses secrètes se révèleront assez banales et que nous les domineront sans problème. Fort probablement, nos aspirations profondes se verront en partie ou totalement comblées. Et il est à parier que, ce à quoi nous ne nous attendons pas prendra une place prépondérante dans l’accomplissement de notre Chemin.
Dans l’attitude qui est la nôtre, à notre départ, se jouera le déroulé de notre Chemin : Il se chargera de nous mettre les points sur les i et nous proposera un jour, et un lendemain qui seront ce que nous en ferons.
Depuis une de mes devises pourrait être : Voyons voir ce que ce jour m’amènera !
Rien ne sert de s’indigner si …
Le 26/09/21
Le Chemin ce n’est pas 800, 1500 ou 3000 kilomètres d’un seul trait ou x morceaux de x km en x années, le Chemin c’est un puzzle géant, fait de mille bouts de chemins qui finissent par s’emboîter dans une vie bien réelle et cohérente.
Si le Chemin n’a pas changé ta vie un tant soit peu, continue les kilomètres !
Le soir au repas les pèlerins me demandent souvent mais en quoi cela a-t-il changé ta vie ? Alors j’explique que dans ma vie d’avant, quand j’avais un emmerdement – c’est la vie d’avoir des emmerdements – j’étais emmerdé. Et ça m’emmerdait d’être emmerdé, alors j’étais encore plus emmerdé…depuis, dans ma vie quotidienne, j’ai toujours des emmerdements – c’est la vie d’être emmerdé – mais maintenant : je suis emmerdé …TRANQUILLE !
Rien ne sert de s’indigner si nous ne changeons pas nous même.
Sur le chemin, il n’y a pas de balise pour nous dire ; ici leçon N°1 et là leçon N° 2 , juste des bouts de chemins qui s’emboîteront, ou pas, dans une vie tangible et concrète.
Juste des anecdotes, de petites aventures, de petites introspections, des rencontres quasi insignifiantes, des efforts simplement humains, des erreurs sans conséquence grave, des espoirs déçus et des inattendus exaltants, des choses que l’on comprend et d’autres que l’on ne comprend pas, des certitudes ébranlées et des doutes levés, juste plein de petits bouts de chemin sans construction apparente, mais qui font que, associés les uns aux autres, on réapprend la vie, comme un enfant qui s’accapare la sienne et se construit un monde.
Tout dépend de la sincérité du moment et de la bonne foi que l’on veut bien déployer.
Simple la bonne foi ! Mais pas facile : comme le chemin !
Juste un pas après l’autre, il y a ceux qui marchent et qui changent !
Et certains qui se contentent de marcher …
Le dixième Chemin
07/12/21
Nous voilà rentrés de nôtre dixième Chemin respectif, à Carole et moi-même, mais nôtre premier Chemin en Commun. Nous qui sommes des Pèlerins solitaires en principe, nous voilà réunis par la providence et la vie en marche pour ce périple symbolique : Santiago – retour maison.
Nôtre désir était d’arriver ensemble à St Jacques de Compostelle et de gravir la petite côte de notre nouvelle maison avec nôtre sac à dos. Aussi nous avons décidé de démarrer de Porto au Portugal et de faire le Chemin retour par le Camino Frances jusqu’à chez nous à Cahors. Un problème de pied non rapidement solutionnable nous a obligés à nous arrêter à León. Mais quelle aventure, quels enseignements, quelle nouveauté !
Après deux ans d’abstinence de Chemin pour cause d’impératifs professionnels et de covid, nous nous retrouvions comme des néophytes à préparer notre sac à la dernière minute et à arpenter les premiers kilomètres sur des pavés bien durs à la sortie de l’aéroport pour rejoindre notre première halte sur la côte portugaise. Une certaine fébrilité malgré l’expérience nous accompagnait ces premiers jours : serons-nous, sommes-nous toujours capables de marcher aussi longtemps ? Cette douce angoisse des débutants qui plongent dans l’irrationalité d’un parcours de 1000 km ou plus les rendant fragiles mais fort en même temps, déterminés et envahi de doutes. Cette incertitude suave nous l’avons retrouvé rendant ce nouveau chemin inédit, au sens de l’émotion et de la géographie.
Il nous a fallu d’abord retrouver une condition physique, là, l’expérience nous a servi : pas plus de 15 km les trois premiers jours. Nous nous sommes rendus compte que les années passant nous n’avions plus les jambes de dix ans auparavant, et que pour les étapes suivantes il était difficile à cette saison, Novembre, de faire des étapes de plus de 25 km. A notre rythme, les journées sont trop courtes.
Il nous a fallu ensuite apprendre à marcher ensemble. Nous n’avons pas le même pas du fait de taille différente. On pense souvent que c’est le plus « rapide » qui doit faire le plus grand effort d’adaptation. Ce n’est pas si évident que cela. En effet, des petites haltes de quelques minutes comblent facilement l’écart creusé. En revanche, pour celui qui est derrière, la sensation de ralentir le duo peut être désagréable. Très vite nous sommes tombé d’accord sur le fait que nous marchions ensemble pour notre plaisir et que, si ni l’un ni l’autre ne se sentait agacé par ce style de marche, nous continuerions ainsi plutôt que de marcher seul et de se retrouver en fin d’étape.
Enfin, les éléments techniques maitrisés, le Chemin s’ouvrait à nous mais comment allions-nous l’appréhender ?
Prendre le Chemin c’est espérer qu’une promesse soit tenue. Le Chemin ne nous a jamais rien promis mais nous, nous l’avons investi d’une espérance propre et individuelle. Il nous a paru nécessaire à un moment d’en parler et de nous rendre compte qu’en fait chacun avait la sienne, différente de l’autre. De là est née une harmonie et un constat : bien que différentes, nos aspirations n’ étaient pas moins compatibles.
Quand nous nous sommes décidés d’arrêter ce chemin, notre promesse n’était pas tenue. Il est toujours difficile d’interrompre un périple de la sorte, sûrement d’autant plus difficile qu’il est chargé de nos espérances. L’amertume de l’échec se fait sentir. Savoir décider fait partie des privilèges de l’expérience : si les conditions requises pour que s’accomplisse la magie ne sont pas réunies… plus de magie, il faut rentrer ! Nous sommes rentrés,, sans regret et tout compte fait comblés.
« Conte » de nos vœux pour 2022 : Au bout du chemin, le Bonheur
https://www.facebook.com/caroleserge46/videos/3139967636329410
Il y a très très longtemps dans un pays imaginaire vivait un homme. En fait c’était il y a si longtemps qu’on ne sait plus vraiment si c’était vraiment un homme… c’était peut-être une femme… parce qu’il se disait que cet homme n’était pas coléreux ni arrogant, qu’il ne bataillait jamais et qu’il s’occupait avec beaucoup de bienveillance des enfants. Quoi qu’il en soit c’était il y a tellement longtemps qu’on ne se rappelle même plus que ce pays c’était le nôtre. A cette époque si lointaine, même le Père Noel n’existait pas, ni le petit Jésus. C’était un drôle de monde, chaque région du monde avait sa manière de faire pousser les aliments ou d’élever son bétail. Mais tout le monde gardait secret ses connaissances au lieu de les partager, et bien sûr certains essayaient de voler ces secrets pour avoir plus de légumes ou de brebis. Comme on avait découvert comment faire du métal, on fabriquait des armes et les hommes se battaient toujours, pour n’importe quoi. Bref c’était un drôle de monde, mais il y a très très longtemps. Et un jour alors que l’homme, ou la femme, on ne sait plus, cultivait son champ au pied d’une grosse colline – c’était une grosse colline presque une montagne avec une grande forêt où personne n’allait jamais parce qu’I se disait qu’il y avait des êtres maléfiques dont tout le monde avait peur- Un jour donc, notre personnage voit arriver par un chemin de cette grande foret sombre sur la colline, une troupe d’hommes avec des épées et des casques. Ils étaient terrifiants. Très vite notre personnage comprit qu’ils venaient lui voler ses beaux légumes. Au lieu de se sauver comme l’aurait fait n’importe qui, notre personnage leva ses bras, les agita pour faire signes aux envahisseurs qu’ils étaient les bienvenus. Ceux-ci, surpris, baissèrent leurs épées et enlevèrent leurs casques puis descendirent de la colline jusqu’au champ de notre personnage.
- Au lieu de me voler mes légumes, leur dit-il, je vais vous apprendre à les faire pousser si vous le voulez. Comme cela l’année prochaine vous en aurez et vous n’aurez plus besoin d’aller les voler.
Les brigands se dirent que c’étaient peut-être une bonne idée car ce n’était pas facile d’aller batailler pour voler des légumes. Parfois il y avait des blessés et des morts dans leurs batailles. Leur chef eut une idée bizarre, il dit :
- Oui, c’est peut-être une bonne idée, mais que voudrais-tu en échange ?
Et là notre personnage n’y ayant pas réfléchi dit :
- Moi, je voudrais savoir comment traverser cette grande forêt par ce petit chemin sans que les êtres maléfiques m’emportent.
Tous les voleurs rigolèrent car eux savaient qu’il n’y avait pas de lutin ni de dragon dans cette forêt ; seulement de grands arbres et de gros gibiers avec des bruits très bizarres surtout la nuit quand le vent soufflait.
Alors ils tombèrent d’accord. Les voleurs repartirent avec notre personnage par le petit chemin de la colline, traversèrent la forêt pour arriver chez eux où ils élevaient des troupeaux. Notre personnage tint sa promesse. Il leur apprit à planter de beaux légumes et comment bien les arroser. En même temps lui ils leur montrèrent comment conserver de la viande pour la manger bien plus tard dans l’année. Il était temps pour lui de rentrer à la maison. Ils se dirent adieu dans une grande clairière de la grande forêt. Il retrouva le chemin, mais à un moment, il eut un doute : il y avait deux chemins! Il essayait de se rappeler quel était le bon, mais en même temps il se dit que cet autre chemin devait bien aller quelque part. Mais où ? Maintenant qu’il n’avait plus peur de la forêt, il eut envie d’aller découvrir ce qu’il ne connaissait pas. Peut-être rencontrera-t-il d’autres hommes, peut être apprendra-t-il d’autres choses ?
Effectivement après plusieurs jours de marche il trouva d’autres hommes et apprit encore d’autres choses. Et de cet endroit, quand il repartit, il trouva encore un nouveau chemin qu’il prit. Puis un autre chemin et d’autres hommes et encore des connaissances, et ainsi de suite pendant de longues années tant et si bien qu’il connaissait maintenant plein de choses qu’il partageait avec les autres. Il avait traversait beaucoup de pays différents où les gens parlaient des langues différentes et croyaient des choses différentes mais lui entendait et comprenait tout le monde. Comme il connaissait beaucoup de choses on lui posait, plein de questions.
- Comment fait-on pousser des légumes ? Comment faire pour conserver la viande ? Comment ci et comment ça…
Il répondait et il partageait ce qu’il savait. Mais un jour on lui posa des questions bien plus difficiles :
- C’est quoi l’Amour ? C’est comment le bonheur ?
Et là, il ne savait pas répondre. Alors il devint triste et s’arrêta de marcher de longs jours sans fin. Il pensait « à quoi cela sert-il de savoir faire pousser des légumes ou conserver de la viande si jen’ai pas d’amour et de bonheur à partager !» Il resta longtemps à réfléchir devenant de plus en plus triste comme si l’hiver s’installait dans son cœur. Et un jour, alors que la brume se dissipait et qu’un beau rayon de soleil s’éclairait sur le grand plateau, que les gens d’ici appelaient la « mesetta », il trouva une réponse :
- C’est simple ! Il faut que je trouve le chemin de l’amour et du bonheur.
Au même moment, le rayon de soleil éclaira un début de chemin qu’il ne connaissait pas. Il eut la conviction que ce chemin-là lui apprendrait l’Amour et le bonheur. Quelqu’un semblait l’attendre…
Et c’est avec cette personne qu’il arriva au bout du monde, à la fin de la terre. Là un petit garçon et une petite fille lui demandèrent :
- C’est quoi l’amour et le bonheur ?
Il était heureux parce qu’enfin il avait une réponse :
- L’Amour et le bonheur, c’est un long chemin que vous trouverez par hasard un jour où vous serez triste et que vous aurez envie de savoir ce qu’est l’amour et le bonheur. Il vous faudra alors rencontrer quelqu’un, qu’il vous montre le début du chemin, qu’il vous donne envie de partager ce que vous savez et ce que vous aurez appris.
Et c’est depuis ce jour que beaucoup de pèlerins arpentent les chemins jusqu’au bout du monde, en partageant leur savoir, leurs expériences et rentrent heureux emplis d’amour dans leurs foyers.
(Serge Bouquet et Carole Coutaz-Repland )
La Casa Del Trel Cahors le 31/12/2021
Henrick et le Chemin blanc
En souvenir de ma rencontre avec un grand pèlerin à O Cebreiro en 2009
Avide de découverte et de rencontres, impressionné par le chemin et par les figures qu’on y rencontre, je veux parler des grands pèlerins, le néophyte reste parfois rêveur ou timide au vu des exploits relatés lors d’une soirée dans un gîte. Il ne sait pas encore que les seuls héros de la soirée, sont en fait, ceux qui en sont à leur premier chemin… car ils apprennent.
Henrick était un pèlerin de fière allure : bel homme dans la cinquantaine grisonnante, bel équipement moderne, bon pas et belle démarche avec son bâton à l’ancienne qui lui conférait une certaine majesté. Son teint bronzé par le soleil du chemin, rehaussé de lunettes de soleil un peu play-boy, lui ouvrait la conversation facile auprès des dames et excédait parfois certains hommes. On l’aurait volontiers pris un italien qu’il parlait couramment, comme l’espagnol, le Français et l’anglais. Peut-être un Italien? Mystérieux dans l’ensemble et discret dans sa vie, il aurait très bien pu être un sympathisant des ex brigades rouges…repenti et en exil.
Henrick était à son onzième chemin. Autant dire que c’était un pèlerin expérimenté. Sur le Chemin c’était une vedette, pensez donc : le Puy, Séville, Paris, Rome et Jérusalem… Tout le monde le sollicitait pour des conseils et écouter ses récits extraordinaires. Il écrivait des livres, donnait des conférences ; c’était une célébrité qu’on s’arrachait pour des interviews et des visio-conférences. Ainsi se déroulait la vie d’Henrick : un grand chemin et six mois de conférences, un autre grand chemin et un livre tous les deux ans. Henrick était connu et le chemin était sa vie, ou sa vie tournait autour du chemin.
Puis un jour, plus rien, plus d’Henrick, plus de livre ni de conférence, disparu.
Sur le chemin il se disait qu’il était sûrement mort, seul dans un fossé suite à un malencontreux accident. Mais non ce n’était pas possible, lui si expérimenté et avec tellement d’amis qui le suivaient sur les réseaux sociaux.
Ou alors, il était mort dans son lit. Comme il n’avait ni femme ni enfant ni famille, il devait être enterré anonymement dans un cimetière quelconque, quelque part. Non ce n’était pas possible non plus. Ceux qui l’avaient bien connu rapportaient qu’il voulait absolument se faire incinérer pour disperser ses cendres sur le « Camino Frances ».
Henrick reprenait de suite en précisant qu’on incinérait les ordures mais pas les humains ; ceux-ci relevaient de la crémation. On les crématisait… et non, on ne les cramait pas… Bref on brûle les idoles et les dieux, on crame le rôti et on crématise les hommes… avant de les encenser. On a rarement vu encenser un rôti.
Bref pas de corps, pas de cendre ni de tombe…la légende était né. Henrick le pèlerin hantait maintenant le chemin.
J’ai rencontré un pèlerin qui me racontait comment le fantôme d’Henrick l’avait guidé dans la montagne pour arriver au col de Lapedoer, alors que la neige et le brouillard l’avait surpris dans un début de printemps. Il lui devait sûrement la vie.
Un autre m’a dit qu’un jour, où tellement fatigué avec les pieds en sang, le fantôme l’avait convaincu de s’arrêter à San Sol et de se baigner dans une fontaine magique en pleine canicule. Les ampoules avaient guéri et il avait retrouvé une pleine forme.
Il est à remarquer que seuls les pèlerins en détresse apercevaient le fantôme Henrick. Les autres le cherchaient mais ne le voyaient jamais. Beaucoup le sollicitaient dans leurs vœux pour trouver ouvert, …la pharmacie,… ou le bar. Et apparemment cela marchait.
Enfin un ancien, un pèlerin sans âge, décrépi, sec et buriné, m’a affirmé l’avoir bien connu et savoir ce qui lui était arrivé :
- « Il était à la recherche du grand chemin blanc » me dit-il. « Celui qui te porte et te rajeunit. C’est pour cela qu’il faisait tant de chemins. Il l’aura trouvé et s’en sera allé au bout de sa vie. »
Le grand chemin blanc bien sûr,… nous tous le recherchons.
Moi-même je l’ai entrevu un jour où la vie me pesait et que les soucis m’empêchaient de respirer.
Le grand chemin blanc…personne ne l’a jamais vraiment vu et encore moins emprunté, ou n’en est jamais revenu pour en parler.
Pourtant parait-il, il peut se révéler après des jours et des jours de marche. Un grand périple de plusieurs mois au long cours. Certains affirment que plus grande est la souffrance, plus le grand chemin blanc se propose. D’autres affirment l’inverse, la souffrance le ferait fuir et il est inutile, voir sacrilège, de l’y associer. Il se dit aussi qu’au bout de deux ou trois jours de marche vous pouvez le rencontrer.
Ah ! si Henrick était là, il pourrait nous dire, Henrick ou … son fantôme ! Nous en étions là d’une discussion entre pèlerins un soir dans un gîte, devant le dernier verre de vin avant de se coucher quand…il me vint une idée : et si Henrick n’avait jamais existé…certes il y a ses livres et ses conférences, …c’était peut-être déjà le fantôme d’Herrick avant qu’il ne meurt. Ce qui expliquerait qu’on n’ait retrouvé ni tombe ni cendre, et qu’il s’évapore de la sorte. Je m’endormis avec cette pensée, je rêvais du grand chemin blanc.
Il était tout droit, assez large, légèrement en montée et je marchais dessus allègrement. Je marchais,… j’avançais,… je marchais…, toujours sans fatigue ni douleur. Je progressais dans une joie intérieure, j’étais seul sur le grand chemin blanc. Tout au loin je voyais un petit attroupement qui semblait m’attendre. Alors je me hâtais ! Je marchais facilement et j’arrivais à leur hauteur. Je distinguais deux silhouettes bien plus grandes que les autres : une sans conteste possible était le fantôme d’Henrik, il ressemblait quand même un peu à Saint Jacques, l’autre, tout aussi imposante… était la Mort.
Les deux me tendaient la main et semblaient heureuses de me voir.
Le fantôme d’Henrick prit rapidement l’initiative, me parla et me dit :
- « réveille-toi, il est temps de se lever. Il est temps de reprendre le chemin. Aujourd’hui nous avons une grande étape. »
Je me réveillais donc pour gravir la montée d’O’Ceibreiro, je faisais mon premier chemin, il y a dix ans. Je ne savais pas ce que j’allais faire du reste de ma vie.
Les rêves sont ce qu’ils sont : démesurés, incohérents ou prémonitoires mais toujours avec un fondement. Chacun ses rêves, chacun son chemin…
Un vieux proverbe chinois dit :
« J’ai rêvé de mille nouveaux chemins. Je me suis réveillé et j’ai repris le mien. »
Serge de la casa del trel – cahors le 02/04/22
LA MARCHE DE RANDONNEE AVEC DES BATONS DE RANDONNEE 08/22
Bonjour
Précisons de suite qu’il existe des différences importantes entre bâtons de randonnée et bâtons de marche nordique. Essentiellement sur les bâtons de randonnée le pommeau est arrondi et permet l’utilisation de la paume de la main sur le pommeau notamment en descente, ce qui est impossible sur un bâton de marche nordique car il n’y a pas de pommeau.
Nous parlons donc de bâtons de marche de randonnée.
- Domaine d’utilisation :
- Sur terrain plat, et c’est 80 % du profil que nous rencontrerons sur les chemins de Compostelle. Leur utilisation n’est pas une nécessité si vous n’en éprouvez pas le besoin. Cependant celle-ci soulage le poids de quelques centaines de grammes à chaque pas ce qui fait qu’au total vous en voyez nettement le bénéfice sur les pieds et les genoux.
- En montée, c’est l’utilisation évidente car vous pourrez appuyer sur vos bâtons et le bénéfice est immédiat.
- En descente surtout vous bénéficierez d’une aide importante qui soulagera le poids de votre corps et vos genoux vous remercieront POUR AUTANT que vous positionniez votre paume de main sur les pommeaux et non sur la poignée elle-même. Pour comprendre ce phénomène il faut comprendre que la pente, à un mètre devant vous ; est 10 cm plus bas que vos pieds. Ces 10 cm sont la différence entre la prise par la poignée et la prise par les pommeaux. Avec cette prise vous pourrez réellement vous bloquer et votre bras servira d’amortisseur de choc.
- Technique de marche
- La pointe du bâton devant le pied et non pas derrière.
Pour comprendre cette marche il faut commencer par marcher avec un seul bâton tel un berger avec le sien… il le « lance » devant, plus ou moins loin de ses pieds, mais devant, il le « plante » et avance jusqu’à ce que le bâton se retrouve à hauteur de son corps, phase pendant laquelle il appuie sur le bâton, et en avançant encore un peu, derrière, en continuant à appuyer un peu pour l’aider à avancer. Donc c’est une marche on ne peut plus naturelle que absolument tout le monde peut reproduire. Avec deux bâtons c’est la même chose : quand un de deux bâtons se retrouve derrière, l’autre est lancé devant et ainsi de suite. Ne cherchez pas à compter des pas ni à essayer de positionner les bâtons précisément … laissez faire votre instinct et la nature.
- Réglage et conseils de sécurité :
- Réglage : il faut que votre avant-bras soit à 90° de votre bras pour que la poignée du bâton se présente aisément dans votre main. Cette mesure a sa raison : vous allez appuyer sur le bâton, il est nécessaire que la position initiale vous permette cet appui.
- Les bouchons caoutchouc : on les utilise surtout sur les surfaces dures tel le bitume et les trottoirs (il n’en manque pas sur le Chemin…) surtout pour éviter l’exaspérant TCHIC TCHIC qui empoisonne les riverains, les autres marcheurs et vous-même. En fait c’est surtout pour augmenter l’adhérence des pointes sur ces surfaces dures où le bâton « ripe » si on appuie dessus ( vous remarquerez sur les routes en montée la prolifération de ces marque de ripage). A l’inverse dès que vous vous trouvez sur des zones herbeuses ou de terre ou de gravier, il vous faudra enlever ces bouchons caoutchouc car là, le caoutchouc glisse et il est préférable d’utiliser la pointe en tungstène qui pourra bien s’ancrer dans le terrain. Je sais qu’il est en train de naître une polémique à ce sujet à savoir la détérioration des sentiers très pratiqués dans des zone protégées sensibles : si vous vous retrouvez dans ce cas, ne heurtez pas les gens, nous ne sommes pas des pèlerins obtus, relevez vos bâtons.
- Les dragonnes ou poignées tissu : nous sommes tous tentés de les enfiler par le haut ou par le bas… comme bon vous semblera, car en effet, si elles sont présentes sur le bâton… à quoi d’autre pourraient-elles servir ? MON CONSEIL, ne les enfilez pas… il vous arrivera fatalement de vous emmêler les pieds, de vous coincer le bâton, de glisser … et de CHUTER. C’est là qu’on a BESOIN de ses mains pour se protéger la face et amortir la chute. Si vos mains sont prises dans les dragonnes … vous vous rectifierez le portrait fort probablement. Je parle avec une longue expérience et de la marche et de l’accueil de pèlerins à qui pareilles aventures sont arrivées.
- Bienfaits induits.
L’utilisation de deux bâtons vous redresse le corps et vous fait marcher plus droit (plutôt que courbé en avant)
Le fait d’être plus droit vous ouvre la cage thoracique et vous fait mieux respirer.
Un rythme s’installe automatiquement dans la marche et vous assure une allure aisée ( plus ou moins rapide … c’est vous qui êtes aux commandes)
Serge BOUQUET
Gîte La casa del trel à Cahors
Créateur de CAMINOLOC
La grande aventure de Compostelle (La casa del trel – 2022)
en fait c’est une chanson : https://www.facebook.com/caroleserge46/videos/6052918338055848
Tu quittes la ville, pour la grande aventure
Respire un peu, reprend du vent
La règle du jeu, dans cette belle aventure
C’est tout simple, rattraper l’horizon
C’est un chemin, qui te déroute
Et qui te sort, de ton quotidien
Apres 10 jours, tu le sens bien
Les jours se suivent, mais on te tend la main
Devant toi, derrière l’horizon
Il y a tant de chemins, surtout le tien
Que te faut-il encore ? Marcher plus loin ?
C’est ta vie le vrai chemin
Tu portes la pierre, qui tant te pèse
Jusqu’au moment, ou elle t’apaise
Quand tu décides, de t’alléger
Fin de l’histoire, tu peux enfin respirer
Tu ne le sais pas, mais déjà se forme
Une ambition totalement démesurée
Celle de vivre et celle d’aimer
Et surtout celle, de pouvoir rêver
Il y a longtemps, je ne peux pas le croire
J’étais un autre, mais pourtant moi
Que te faut-il encore ? Encore marcher
Peut-être alors juste pour remercier
29/09/23 : Le 12 ème chemin… préparation
Voilà, la saison est finie. Nous avons fermé plus tôt que d’habitude pour avoir le temps de se reposer et de mettre la maison en hivernage. Plus tôt car cette année notre chemin sera assez long sur le thème « finissons ce que nous avons entrepris ». En 2021 nous avions projeté de partir de Porto et de rentrer à Cahors. Nous avons fait Porto-Santiago-Léon où un problème de pied nous a contraint d’arrêter. En 2022 nous avons refait ensemble un magnifique chemin que nous avions parcouru chacun de notre côté, le Camino Mozarabe : Alméria – Granada – Cordoba – Mérida. Mais de nouveau nous avons dû l’interrompre pour des raisons professionnelles et rentrer pour prendre des décisions. Deux ans sans aller au bout de ce que nous projetions, nous avons l’habitude de toujours finir à Santiago, c’est un peu frustrant même si nous ne sommes pas en manque de chemin. Alors cette année nous tentons de remettre les pendules à l’heure : Nous repartons de Mérida pour aller à Santiago par la via de la Plata et le camino Sanabrese puis nous prendrons le train pour Léon et un nouveau départ pour rentrer à Cahors à la maison. Cela fait un long chemin de deux mois et demi…ou plus, enfin nous partons avec cette intention et nous verrons bien comment cela se passe.
Ce qui est intéressant à ce point de la préparation c’est la fébrilité dans la confiance qui m’accompagne pour ma part. Carole semble plus sereine occupée par la mise en ordre de la maison. En effet, une certaine inquiétude se fait sentir due au manque de préparation physique : avons-nous toujours les pieds et les jambes pour un tel parcours alors que nous fêterons nos 70 ans sur le chemin ? Mais d’un autre côté cela fait déjà 11 fois que nous partons sans préparation spéciale… Surtout, c’est une dizaine qui passe avec le thème « finissons ce que nous avons entrepris » : cela pourrait aussi être « préparons les 10 prochaines années » bref c’est une césure. Et ce n’est donc pas qu’une question de pieds et de jambes sinon de tête ! Nous voilà donc au départ de notre douzième chemin : il a un parfum de première, d’importance… de nouvelle vie. Ce que nous en attendons ? Comme d’habitude rien, sinon la découverte, l’accomplissement et la sérénité. Nous ouvrons le chapitre des dix prochaines années avec des projets, des pèlerins à recevoir, des coquilles en buis à fabriquer, peut-être quelques sculptures et quelques chansons, quelques textes et pourquoi pas apprendre à conter, en prenant le temps de voir la famille et les amis, avec toujours des chemins à arpenter. La vie nous appartient, le chemin est devant nous…les sacs sont prêts.
le 23/12/23
La petite crèche secrète de l’Alto de Perdon
C’est un petite crèche cachée dans un creux de rocher, dans un endroit où des milliers de pèlerins passent sans la voir. J’y suis passé tant de fois aussi sans jamais tourner la tête occupé par la fin de la montée et attiré par les silhouettes métalliques de l’Alto de Perdon. Arrivé à ce haut, soufflant et pressé d’immortaliser le lieu dans un téléphone portable, les pèlerins ne tardent jamais vraiment à plonger dans la descente. Quelques uns pique-niquent sur place ou prennent le temps de se refaire une santé car la montée fut longue. Souvent, vous y trouverez Raphaël et son vélo. Il vit à Pamplona, il est à la retraite et monte quasiment tous les jours à l’Alto de Perdon, « pour ne pas vieillir » dit-il, « électrique » rajoute-il. Il se propose pour vous prendre en photo devant ces silhouettes du chemin d’étoiles. « C’est mieux qu’un selfie puisque je suis là » et vous le verrez s’appliquer pour que la photo soit belle et bien cadrée. Raphaël aime les pèlerins et s’émerveille toujours de pouvoir discuter sans en connaitre le langage, avec des Allemands, des Américains, des Français et des Italiens. Il devient intarissable quand il peut parler Espagnol ! En cette fin Novembre, Carole et moi rentrions à pieds de Santiago. Nous faisions donc le chemin à l’envers comme beaucoup disent, bien que nous, nous estimions être dans le bon sens puisque nous rentrions chez nous. Ce jour-là, la météo était particulièrement pourrie si vous me permettez l’expression. Vent, pluie, froid, brouillard…et dans ce sens, à l’envers, croyez-moi la montée est longue, rude dans ces cailloux glissants et innombrables, avec ces marches surélevées faites de traverses en bois. Dans le brouillard où vous ne voyez pas à plus de dix mètres, vous entendez en fond comme des engins de chantier dans une carrière. Ne parvenant pas à définir le sommet de cette côte, vous avancez vers cette source sonore industrielle comme un train qui n’en finit pas de passer. Puis d’un coup la pente se calme, une route se présente sous vos pieds et en même temps que d’étranges silhouettes métalliques se dessinent dans le brouillard vous vous souvenez, puisque ce n’est vraiment pas la première fois que vous passez, que ce sont les éoliennes qui font ce bruit de gros moulins. Curieusement ce ronronnement s’estompe rapidement, en disparaissant presque quand vous êtes face aux sculptures. Votre esprit est soudain accaparé par une autre sollicitation que le bruit sourd des pales fendant l’espace. Quand nous arrivons une pèlerine tentait désespérément de cadrer les silhouettes dans un selfie. Instinctivement nous nous proposons pour la prendre en photo ce dont elle nous remercie par un large sourire et un « merci bien » en français car elle était Québécoise. Apparait aussi dans le même moment Raphaël et son vélo tout terrain électrique, alors que nous nous installions pour un moment à l’abri du vent sur le plat du monument en face des silhouettes. Nous en profitons pour manger une mandarine et une banane pendant que Raphaël rangeait son vélo sur l’autre face. La pèlerine venait de plonger dans la descente, nous nous retrouvons seuls avec lui dans le brouillard. Très vite il engagea la conversation et fut ravi de constater que je parlais espagnol. J’appris qu’il avait aussi fait le camino, par tronçons successifs, puisqu’à l’époque il travaillait encore. Un méchant accident de voiture le privait de la pleine possession d’un de ses pieds et marcher devenait très difficile. C’est pour cela qu’il s’était mis au vélo. Cependant il lui restait le dernier tronçon à faire. Contre l’avis de son médecin et avec un courage dont il nous parla, il était arrivé à pieds à Santiago. Il fut très enthousiaste en apprenant notre parcours et presque exalté en découvrant que précisément ce jour était l’anniversaire de Carole. Il me demandait l’autorisation de la serrer dans ses bras en la félicitant, lui affirmant qu’elle ne faisait réellement pas son âge ! Il nous abreuva presque une demi-heure de tout son amour du chemin, des pèlerins et de tous ses semblables. Raphaël est un homme sincère et chaleureux. Nous échangeâmes diverses considérations sur le chemin et sur la vie. Il nous dit son admiration à notre propos et nous nous empressâmes de dire que c’était plutôt lui qui était à admirer pour sa générosité et sa gentillesse envers les pèlerins. Il nous fallait reprendre le chemin. C’est alors qu’il nous dit « Je veux vous faire un cadeau ». Il ; nous entrainât vingt mètres plus loin, dans le début de la descente pour nous, à la fin de la montée dans le sens normal. Il nous fit gravir le talus et nous présentât sa petite crèche sur laquelle il veillait presque tous les jours. « Les pèlerins ne la voient pas, mais elle veille sur tous ceux qui passent ».
Aujourd’hui, c’est à notre tour de partager avec vous ce petit trésor de bienveillance, d’amour et de persévérance. Nous vous invitons à passer devant cette petite crèche secrète de l’Alto de Perdon.
Bon et joyeux Noël à Tous.